La rougeole n'est pas encore éradiquée en Europe C'est un échec sanitaire : la politique de vaccination généralisée des très jeunes enfants contre la rougeole menée en Europe depuis plus de vingt ans n'a pas encore permis d'obtenir l'éradication, sur le Vieux Continent, de cette maladie virale hautement contagieuse qui peut entraîner des complications graves, parfois mortelles. Et tout laisse à penser que l'objectif d'éradication fixé par l'OMS en 2010 ne sera pas atteint. Telles sont les principales conclusions d'une étude publiée mercredi 7 janvier sur le site de l'hebdomadaire médical The Lancet. Ces conclusions résultent de l'analyse des données épidémiologiques de 32 pays européens : les 27 membres de l'Union ainsi que la Croatie, l'Islande, la Norvège, la Suisse et la Turquie. Dirigés par le docteur Mark Muscat (Statens Serum Institut, Copenhague), les auteurs ont, au total, recensé 12 132 cas confirmés de rougeole en 2006 et 2007. La situation apparaît très hétérogène puisque 85 % des cas diagnostiqués ont été enregistrés dans cinq pays seulement : la Roumanie, l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Suisse et Italie. La France n'a quant à elle compté que 84 cas. Le bilan global a été moins élevé en 2007 (3 909) qu'en 2006 (8 223), mais on a, depuis, observé une reprise de l'activité épidémique avec plus de 6 200 cas pour les neuf premiers mois de 2008. Il n'y a là aucune fatalité et l'efficacité du vaccin n'est globalement pas mise en cause. Dans 97 % des cas en 2007 (et dans 94 % en 2006), l'infection a concerné des enfants ou des jeunes adultes (un malade sur cinq avait plus de 20 ans) qui n'avaient pas été vaccinés ou qui n'avaient reçu que l'une des deux doses nécessaires pour assurer une protection. Selon les experts de l'OMS, l'objectif de l'éradication ne peut être atteint que si le taux de couverture vaccinale atteint, de manière durable, 95 % des jeunes enfants. Or il apparaît que pour cette vaccination - qui n'est pas obligatoire - ce taux est loin d'être partout atteint. Sans surprise, les pays les plus touchés sont ceux où les couvertures vaccinales sont les plus faibles. Au Royaume-Uni par exemple (1 777 cas en 2006 et 2007), moins de 85 % des enfants de 2 ans étaient protégés durant la période comprise entre 2002 et 2005. Cette situation résulte pour partie d'une rumeur, largement diffusée dans les médias britanniques, concernant l'existence d'un lien - jamais démontré - entre d'une part la vaccination associée contre la rougeole, la rubéole et les oreillons et, d'autre part, l'apparition ultérieure d'un syndrome autistique. A l'inverse, en Irlande, on est passé d'un taux de moins de 80 % entre 1999 et 2003 à près de 90 % entre 1999 et 2003. OPPOSITIONS À LA VACCINATION En Allemagne, où les militants antivaccinaux rencontrent toujours un certain écho, la couverture à 2 ans n'était en moyenne que de 70 % pour les enfants nés entre 1996 et 2003 avec de grandes différences selon les Länder. En Italie, on a observé une progression en passant de 85 % (entre 2001 et 2003) à près de 90 % entre 2004 et 2006. Aux Pays-Bas, après une épidémie importante en 1999 et 2000, des oppositions croissantes à la vaccination pour des raisons religieuses font que les taux de couverture sont actuellement en baisse. A contrario, les pays, comme la Finlande, où aucun cas de rougeole n'a été déclaré en 2006 et 2007, sont bien ceux où le taux durable de couverture vaccinale des enfants atteint les 95 %. Il faut en outre compter avec la situation épidémiologique à l'est du continent où l'effondrement de l'Union soviétique a vu émerger des difficultés en matière de politique de santé publique. En 2005 et 2006, plus de 50 000 cas de rougeole ont ainsi été recensés en Ukraine. La circulation du virus doit être prise en compte. Les auteurs de cette étude s'interrogent sur les risques d'"importation" de cas de rougeole survenant chez des personnes arrivant en Europe à partir de pays où le virus continue à circuler au sein de la population. Mais la question de savoir combien de cas de rougeole l'Europe exporte vers les pays où les systèmes de santé sont peu développés et où la mortalité due à l'infection rougeoleuse est élevée, doit aussi être soulevée, estiment Jacques R. Kremer et Claude P. Muller (Laboratoire national de santé, Luxembourg). Hors Union européenne, les progrès sont cependant considérables. On estime qu'entre 2000 et 2007 environ 576 millions d'enfants vivant dans des pays à risque ont été vaccinés, la mortalité rougeoleuse diminuant de 74 % durant cette période. "Les résultats les plus spectaculaires ont été obtenus en Méditerranée orientale et en Afrique, où la morbidité et la mortalité ont chuté respectivement de près de 90 % et de 89 %", précise-t-on auprès de l'OMS. Pour autant, 197 000 personnes sont mortes en 2007 après avoir contracté une infection rougeoleuse.